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2005 – Centenaire de la loi de séparation des églises et de l’État

Triple Union et Amitié célèbre le centenaire de la loi de séparation des églises et de l’État en publiant un livre — 1905-2005 Maçonnerie et laïcité à Voiron — et en organisant une conférence  publique donnée à la médiathèque de Voiron. L’intervenant principal est Jean-Robert Ragache, historien, ancien Grand Maître du Grand Orient de France.

Le livre

1792 — Le 20 septembre, laïcisation de l’état civil. Le mariage civil et le mariage religieux sont dissociés. Les registres d’état civil, jusqu’alors tenus par l’Église, sont transférés aux communes. Celles-ci consignent désormais naissances, mariages et décès. Le mariage civil devient alors la forme légale du mariage. Le mariage religieux, qui n’a pas de valeur légale, reste un choix individuel. Dans la majorité des cas, les deux cérémonies civile et religieuse sont effectuées. 

1801 — Signature du Concordat par Bonaparte, premier consul, et le pape Pie VII. Un concordat est un accord diplomatique entre le Saint-Siège et un État souverain. Le premier concordat, signé entre l’Empire germanique et le pape Calixte II, mit fin à la querelle des Investitures. Celui de 1801 est un compromis. Au lendemain du coup d’État du 18 Brumaire, Bonaparte souhaite une alliance avec l’Église catholique pour tout à la fois établir l’ordre moral et dissocier la cause de la monarchie de celle de la religion catholique. 

1802 — Entrée en vigueur du Concordat. La religion catholique n’est plus la religion d’État, mais celle de la majorité des Français. Le premier consul nomme les évêques qui reçoivent ensuite du pape leur validation canonique 

1830 — le concordat est appliqué strictement par Louis-Philippe : le catholicisme cesse d’être religion d’État alors qu’il avait été réaffirmé comme tel par la Restauration. 

1869 — La séparation des Églises et de l’État, ce qui signifie la rupture du Concordat, figure dans le « programme de Belleville » de Gambetta.

1901 — Loi du 1er juillet relative au contrat d’association. Voulant atteindre les Moines ligueurs et les Moines d’affaires, Waldeck-Rousseau, qui dirige un gouvernement de défense et d’action républicaine, propose d’étendre le droit commun des associations aux congrégations. Lors de la discussion au parlement, des amendements rendent le texte initial plus sévère à l’égard des congrégations. Du texte d’apaisement que défendait Waldeck-Rousseau, on passe selon le mot de Jaurès à « un commencement de combat ». Les congrégations non autorisées doivent quitter le pays. 

1903 — Le 7 avril, proposition de loi sur la séparation des églises et de l’État, sur la dénonciation du Concordat et la suppression du budget de cultes. Elle est présentée par MM. Francis de Pressensé, Albert-Poulain, Aldy et Aristide Briand.

1905

Mars — Rapport d’Aristide Briand, député de la Loire depuis 1902, fait au nom de la commission relative à la séparation des Églises et de l’État et à la dénonciation du Concordat chargée d’examiner le projet de loi du gouvernement et diverses propositions de loi. La commission est présidée par Ferdinand Buisson.

3 juillet — Après quarante-huit séances de discussion, la Chambre des députés adopte le projet de loi de séparation des églises et de l’État, par 341 voix contre 233. 

9 décembre — La loi de Séparation est promulguée par le président de la République Émile Loubet. 

(Source Assemblée Nationale)

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1988 – Bicentenaire de Triple Union et Amitié

La conférence publique

Elle a lieu à Voiron le 9 juin 1988. Le principal intervenant est Jean-Robert Ragache, historien et Grand Maître du Grand Orient de France.

Les francs-maçons de Voiron présentent ce soir une conférence publique. La démarche est inhabituelle. La période peut paraître délicate, le rendez-vous était pris il y a deux cents ans, on ne contrarie pas sans risque le fil de l’histoire…

La franc-maçonnerie s’extériorise peu, surtout dans nos provinces où les choses vont très souvent sans dire. Ses membres sont en général discrets : il s’agit donc sans doute aujourd’hui d’un mini-évènement dans la ville de Voiron. Pourquoi cette soirée ? Quelles raisons ont poussé cette franc-maçonnerie discrète à ouvrir une porte généralement tirée ?

La première est que le bicentenaire d’une association n’est pas chose si fréquente que l’évènement vaille d’être passé sous silence, qui plus est quand il s’agit d’une société de pensée.

La seconde est qu’à l’orée de l’an 2000, parler et échanger sur des thèmes universels paraît devoir céder le pas aux anathèmes et aux incompréhensions. Malraux disait que le XXIe siècle serait spiritualiste ou ne serait pas. S’il entendait par là que la vie serait meilleure grâce aux avancées de l’esprit, au jaillissement des espérances individuelles en direction de tous, alors nous pouvons souscrire et parler.

Les francs-maçons ont été considérés pendant des décennies comme des diables aux pieds fourchus quand ce n’était pas au regard lubrique, des pourfendeurs de soutane, des arrivistes aux combines si sournoises qu’elles justifieraient par elles-mêmes la discrétion des Frères. Quelle hérédité ! Et quelle constance dans l’adversité pour les membres de la confrérie !

« Le réel quelquefois désespère l’espérance » disait René Char. La réalité détachée des passions et des calculs est bien entendu tout autre, mais je laisserai à Jean-Robert Ragache le développement qu’il se propose de nous présenter.

La troisième raison est qu’au fronton de nos temples brillent trois mots à jamais incrustés dans nos mémoires et dans l’histoire du monde : Liberté, Égalité, Fraternité.

Ce n’est pas en cette période anniversaire de la Révolution française que nous allons les oublier. Dans nos sociétés où, par tentation et facilité, il est plus simple de pratiquer l’exclusion que le partage, la séparation que l’écoute, la mise à l’index que l’échange, nous ne nous priverons pas de tenter de réconcilier l’humanité avec elle-même.

Offrir aux races la fraternité, aux peuples l’égalité, aux hommes la justice et la liberté : quel plus large destin pour ceux qui, pour tout dogme, ont placé sur l’autel l’homme, sa grandeur et ses imperfections ?

Deux cents années donc pendant lesquelles à Voiron, hommes de leur temps, des francs-maçons ont patiemment taillé leur pierre. Deux cents années légales : notre loge compterait parmi les plus anciennes de France. Dans nos archives, un sceau porte la date de 1747, mais les patentes officielles retrouvées tant dans les archives du Grand Orient qu’à la Bibliothèque Nationale ne nous autorise qu’un sérieux bicentenaire.

Vous pourrez retrouver ce soir dans une modeste exposition quelques dates marquantes de notre atelier, quelques documents significatifs, quelques exemples de travaux présentés en loge. Vous sentirez par-delà ces vestiges de l’histoire que si les francs-maçons du Grand Orient sont soucieux de perfectionnement et d’approfondissement individuel, ils sont aussi des hommes avec un pied dans le siècle.

Lors de chacune de leurs deux réunions mensuelles, un travail symbolique et une réflexion d’ordre général sont traités. Voici quelques exemples de sujets ayant ces dernières années attisé la recherche et favorisé l’enrichissement.

Recherche symbolique : les colonnes du temple, la liberté, le bleu, la bougie, la rose, les solstices, le labyrinthe, l’aigle, l’œuf, le compas, le secret, le tablier, le symbolisme chez les Gitans…

Phénomènes de société : droits des femmes et devoirs de l’homme à travers le Coran, la publicité, le bonheur, les manuscrits de la mer Morte, le retraitement des combustibles nucléaires, la pollution mentale, les frères chartreux, répartition de la richesse et du travail, la peur, l’homme devant les mystères, peut-on influencer le hasard, le flûte enchantée…

Au-delà de cet inventaire à la Prévert, vous avez compris que rien de ce qui touche l’homme et la femme n’est étranger au franc-maçon.

Que dire pour terminer mieux que citer deux immenses poètes de notre temps. Tout d’abord René Char, dernièrement disparu, qui rêvait :

« À tous les repas pris en commun, nous invitons la Liberté à s’asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis. »

Enfin le poète de l’espérance et de la fraternité que fut Paul Éluard :

« L’amour de la justice et de la liberté / A produit un fruit merveilleux / Un fruit qui ne se gâte point / Car il a le goût du bonheur. »

La célébration en loge

Une tenue exceptionnelle rassemble cent trente et un Frères et Sœurs de trente-quatre loges et six obédiences.

Après une réception officielle et chaleureuse en mairie, nous avons vécu une remarquable soirée animée par le Sérénissime Grand Maître Jean-Robert Ragache. Quatre cents personnes ont pendant plus de deux heures communiqué avec l’orateur et si le scepticisme habituellement rencontré dans ce type de face-à-face souffre des exceptions, alors nous avons vécu une véritable relation humaine avec ses temps forts et ses émotions partagées. L’heure et la circonstance méritaient l’exceptionnel. Avec son bicentenaire en 1988, Triple Union et Amitié a pris sur l’histoire une année d’avance en ouvrant un cycle de souvenirs exceptionnels et de commémorations fraternelles.

Je cadrerai quant à moi mon propos sur l’idée suivante : deux cents ans… et alors ! Que proposer pour le tricentenaire comme leçon, comme exemple, comme mémoire ? Nous sommes en cette fin de siècle installés parmi les déséquilibres et la faillite des idéologies, de toutes les idéologies. J’emprunterai quelques réflexions au débat que le Grand Orient de France a organisé lors d’un colloque à Lyon en 1987.

Le marxisme est tombé victime de la propre analyse de l’idéologie comme travestissement du réel : c’est lui qui est devenu idéologique et, nous pouvons ajouter, mythique. Il en est de même du libéralisme qui pratique un égoïsme de fait au nom de la règle du profit. Il est confronté à une réalité économique qui le dépasse et fait s’exalter les oppositions entre l’utopie productiviste et les conditions sociales.

Se réclamer d’une doctrine non seulement paraît désuet, mais est désuet. Notre époque faite d’instabilité n’est plus celle de la confiance et de l’espoir, mais du soupçon et de l’incertitude, de la séparation et du rejet, du repli et des exclusions. Face à ces mises en cause, on voit fleurir les déviances et les charlatanismes qui prennent leur source dans l’irrationnel. Par exemple, en médecine, les thérapeutiques parallèles qui selon le postulat d’Euclide, comme le dit le professeur Schawrtzenberg, ne rencontreront jamais la médecine officielle. Autre domaine, celui de l’information. Comment être sûr de l’information quand on assiste pour des raisons économiques à la concentration progressive des organes de presse dans les mêmes mains, au mépris de la véritable liberté d’expression, sans aller toutefois jusqu’à la définition de Proudhon : « Le journal, un cimetière des idées ».

La justice, l’école, l’Église, la politique subissent la même mise à distance, le même regard chargé de doutes et de suspicions. Comment alors concilier liberté, qui suscite un égoïsme individuel, et solidarité, qui depuis l’instauration de l’État-providence dans nos civilisations créé un choix social, mais n’évite pas les abus ?

Où finit le droit, où commence l’abus ? Une liberté, oui, mais pour qui et pour quoi ? La liberté n’est pas seulement un droit, mais un apprentissage.

Ce maître mot des Maîtres maçons, que devons-nous en faire si nous voulons perpétuer dans la tradition ces laboratoires d’idée que furent nos loges, comme le reconnut la société ? Redoutable ambiguïté d’ailleurs ; rapprochement osé entre la tradition et le laboratoire, entre le passé et l’avenir. Ne soyons pas admiratifs de nos nombrils. Ne nous contentons pas de gérer le réel. Osons être en avance, car si seul le rêve est révolutionnaire, alors préparons par un perfectionnement individuel un rayonnement extérieur plus large et plus riche. Soyons libres d’esprit et remettons en cause à la lumière des réalités d’aujourd’hui tous nos concepts, toutes nos habitudes.

Il en va ainsi de la laïcité, cette laïcité rénovée à laquelle nous pourrions redonner ses lettres de noblesse en nous engageant derrière une définition plus large qui serait, comme le soulignait avant-hier soir le Grand Maître, un large refus des ingérences, de toutes les ingérences.

Nous verrions peut-être alors que la nouveauté s’inscrit plus facilement dans des esprits dépoussiérés et que le fil de l’histoire ne craint pas de sauter les rivières, pourvu que ce soit dans le sens du courant.

Je terminerai en citant René Char qui n’a jamais confondu facilité et talent et qui dans sa démarche a intimement lié action et réflexion, rêve et réalité : « Quand on a mission d’éveiller, on commence par faire sa toilette dans la rivière. Le premier enchantement comme le premier saisissement sont pour soi. »

Tableau gravé pour les célébrations du bicentenaire de la loge

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1878 – Réflexions sur les conditions politiques et sociales de la République

Réflexions présentées par un franc-maçon voironnais sur les conditions politiques et sociales de la République en France et toast proposé sur l’amnistie dans la réunion du 6 octobre 1878.

Observation

Ces quelques pages paraissent sous le nom collectif de la loge maçonnique de Voiron, Triple Union et Amitié, parce que les principes qui y sont proclamés et les idées qui y sont émises sont essentiellement les idées, les principes de cette loge.

À la suite d’une réunion voulue par les statuts généraux de l’ordre maçonnique, les francs-maçons de Voiron avaient, dans un local neutre, convié à une réunion privée un certain nombre de leurs concitoyens. La présidence de cette réunion ayant été maintenue à celui qui avait la qualité de président de la loge, il lui a été demandé de faire connaître aux invités le rapprochement, les liens qui existent entre les francs-maçons et leurs concitoyens qui ne le sont pas.
Pour répondre à ce désir, après avoir, dans la mesure trop étroite où il lui était maçoniquement permis de le faire, exposé la doctrine maçonnique, le président, pour mieux faire comprendre l’idée de la loge de Voiron, a abordé quelques-unes des questions qui sont communes à tous les citoyens français sincèrement républicains démocrates et ce sont les développements donnés aux idées, aux principes énoncés dans cette conférence que la loge a approuvés et dont elle a voté l’impression.
Celui qui, dans ces conditions, a été l’interprète, l’organe de la loge, n’a eu d’autre mérite, s’il en a eu un, que d’avoir, d’une manière trop insuffisante, vibré sous les commotions de l’esprit maçonnique de la loge ; ainsi une cloche jette aux vents les sons que lui imprime le battant qui la frappe.
A-t-il eu quelque peine, quelque fatigue, il en sera récompensé bien au delà de tout ce qu’il peut avoir mérité si, par cette publication, demandée par ceux qui assistaient à cette réunion, un peu de bien est accompli par la propagation et une meilleure compréhension des principes de la devise nationale et maçonnique:

Liberté, Égalité, Fraternité.

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