La pierre brute. Ces mots me parlent. J’ai toujours eu un attrait pour la pierre — elle me fascine — mais aussi pour ce qui est brut. J’entends par brut ce qui est à son état originel, de nature, intact.
En franc-maçonnerie, la pierre brute représente l’apprenti. Si l’apprenti y est assimilé, c’est que tous deux ne sont pas taillés. Ils possèdent encore angles et courbes naturelles, non travaillées.
Pourtant l’apprenti est déjà usé par la vie, tout comme le vent, la pluie, le gel ont modelé la roche. L’apprenti, à travers ses expériences profanes, a lui aussi pris des formes. C’est dans ces formes que la pierre doit être dégrossie.
Je pense au jour de mon initiation, quand on m’a offert une pierre cubique lisse de chaque côté, excepté une face restée rapeuse.
Je pense aussi à cette phrase qui conclue chacune de nos réunions : « La pierre brute est à peine dégrossie ». J’en déduis qu’il me reste bien du chemin à parcourir, car la pierre brute est synonyme de début de voyage.
Dans ma vie professionnelle, j’ai fait de la maçonnerie, mais surtout j’ai travaillé cinq années en montagne. Cerné par la roche et par une nature parfois intacte. J’ai dû à plusieurs reprises casser des rochers à la force de mes bras. En frappant ces rochers avec « force, beauté et sagesse », se formaient des pierres plus ou moins grosses. Chaque pierre avait sa forme unique, sa teinte personnelle. Pourtant elles étaient issues du même massif.
Peu importe leurs différences, les pierres brutes aussi peuvent créer l’unité. S’imbriquer les unes dans les autres. Se stabiliser entre elles. Monter le plus droit possible. Former des murs — pourquoi pas ceux de notre temple — ou des colonnes — pourquoi pas celles qui encadrent sa porte. Et être scellée par un ciment fraternel.
J’aime aussi à penser que dans chaque pierre brute se cache un cœur précieux.
TUA – 2017